De la Réunion à l'Afrique du Sud



De la Réunion à l'Afrique du sud il y a environ 1400 milles, et même un peu plus si, comme nous l'avons fait, on passe à plus de cent milles au sud de Madagascar (pour éviter le temps perturbé et fréquemment orageux aux abords de la grande île).


Départ de Saint Pierre

C'est une étape que chacun aborde avec circonspection. En effet, le jeu n'a plus grand chose à voir avec la tranquille promenade sur l'autoroute des alizés. Sur la route, on a toutes les chances de rencontrer du mauvais temps, généré par les fronts liés aux perturbations qui circulent plus au sud.
Et surtout, l'approche de la côte sud africaine ne peut être prise à la légère : le courant des Aiguilles, qui la longe, porte au sud ouest à une vitesse pouvant atteindre six nœuds. Il faut absolument éviter de s'y trouver lorsqu'un des fronts froids qui se succèdent dans les parages amène de forts vents de suroît s'opposant au courant car c'est dans ces conditions (auxquelles s'ajoute la combinaison de certains trains de houle) que naissent les vagues géantes (« abnormal waves ou « rogue waves » des Anglo Saxons) pouvant dépasser une vingtaine de mètres et capables de mettre à mal de grands navires (ne parlons pas des petits voiliers).
Mais comme au départ de la Réunion il est trop tôt pour avoir des prévisions fiables sur le temps qu'il fera à l'arrivée, on sait bien qu'on risque d'avoir à attendre au large (à la cape?) le passage d'un mauvais coup de vent qu'on ne veut pas essuyer dans le courant des Aiguilles.

Nous avons traversé vers Durban. Au début nous avions prévu d'aller vers Richard's Bay, plus proche et plus au nord (donc moins touchée par les coups de vent) mais Richard's Bay était aussi l'objectif des joyeux rallyemen du « World arc » aussi avons nous décidé d'aller nous faire voir ailleurs...

Pour notre passage, rien d'inattendu : nous aurons le plaisir de rencontrer quatre fronts successifs avec leur lot de sautes de vent et de conditions variées -du gennaker aux trois ris avec trinquette partiellement roulée... A souligner l'extrême fiabilité de nos fichiers meteo qui nous ont toujours annoncé avec une remarquable exactitude la force et la direction des vents à venir.


Soleil mais temps frais...

Des moments de « grâce » : sur une mer apaisée, nuit de pleine lune, au près serré, le bateau, tout dessus, glisse en silence : un doigt suffit pour barrer . Le pilote aimerait bien nous remplacer mais il ne saurait être question de lui laisser une minute de ce plaisir...

Des moments de « galère » : au sud de Madagascar, calme, moteur au régime habituel : le courant contraire est tel que le bateau atteint péniblement trois nœuds... Et cela dure plusieurs heures. Cela a été la grosse surprise de la traversée : nous attendions des courants favorables mais la réalité est beaucoup plus complexe que ce que montraient les schémas dont nous disposions. Les cartes de courant que nous avons pu consulter en route (par Max Sea) nous ont montré, entre Madagascar et l'Afrique, de fortes turbulences amenant des courants contraires à ceux que nous attendions ( au total, nous avons été « pénalisés » d'une soixantaine de milles). Bref, dans cette zone, les courants n'ont rien à envier à ceux qu'on rencontre entre Panama et les Galapagos.


Quelque part au sud de Madagascar

Et puis, à mi-chemin, les prévisions -désormais fiables- que nous avons pour la fin du parcours font apparaître un « créneau » de beau temps qui nous permettrait de passer tranquillement le courant des Aiguilles... à condition de ne pas traîner car juste derrière arrive un front froid accompagné d'un fort coup de vent de SW sur la zone.
La « « course » commence : plus question de sous-toiler le bateau, d'attendre les changements de quart pour les modifications de voilure... Il faudra deux départs au lof successifs sous spi (cela ne nous était encore jamais arrivé avec ce bateau) pour ramener l'équipage à plus de sagesse. (Pour les non initiés le départ au lof est une situation où le bateau, sous la pression du vent cesse d'obéir à la barre et se couche. On y remédie facilement en « choquant » (laissant filer) l'écoute. Mais la chose produit des claquement bruyants et manque totalement d'élégance...)
Finalement tout se passe bien le vent vient juste de fraîchir quand après neuf jours et demi de traversée nous embouquons le chenal d'entrée de Durban.


Arrivée sur Durban, le soir

La marina se trouve tout au fond du port en un lieu si abrité que lorsque le coup de vent sera là, nous l'entendrons à peine.


La marina et le Point Yacht Club

L'accueil à la marina de Durban est extrêmement chaleureux, de la part du personnel du port mais aussi du  Point Yacht Club dont nous devenons « membres temporaires » ; Le lendemain de notre arrivée, le responsable « historique » du club -Bob- rameute sur les pontons tous les nouveaux venus (Polonais, Italiens, Français...). Nous avons droit à une présentation de l'histoire du club et à un pot d'accueil où après plusieurs bières la barrière de la langue s'estompe. Nous découvrirons ainsi que Bob a traversé l'atlantique du Cap aux USA sur un... Centurion (notre premier bateau !). Voilà qui donne matière à discussion. Il viendra à bord nous montrer la revue nautique américaine relatant son arrivée à Annapolis.
Ici, on parle beaucoup entre bateaux. Nous retrouvons un peu l'atmosphère connue au Cap Vert : là bas chacun avait en commun le perspective de la (première?) traversée, ici, c'est la satisfaction du passage accompli (« vous avez eu du mauvais temps? »).
Nous avons le plaisir de rencontrer Luca et Fabien avec lesquels nous passons de ces soirées qui rendent peu efficace le lendemain. Ils font le même parcours que nous sur un voilier de 9 m en acier (réplique de l'Esquilo de Nicole Van de Kerchove). C'est un plaisir de visiter leur bateau où tout est réfléchi, progressivement amélioré. Notre bateau mesure quatre mètres de plus que le leur (tant mieux pour nous...) , Ils sont beaucoup plus jeunes que nous (tant mieux pour eux...) mais sur la mer et les bateaux, nous parlons le même langage.

De la ville de Durban (deuxième ville d'Afrique du Sud, premier port sucrier mondial...) nous n'avons qu'une vision très partielle : une fois franchis les barbelés qui entourent le port, nous nous retrouvons dans un curieux mélange : un CBD à l'américaine... dont les avenues sont envahies par les éventaires du « commerce informel » cher à l'Afrique.
Nous n'en verrons pas beaucoup plus, occupés que nous sommes à la préparation du bateau que nous laissons là pendant notre retour en France.
Nous aurons cependant le temps de connaître une « initiation » à l'Afrique du Sud : En Nous rendant chez un shipchandler nous subissons l'attaque de trois jeunes gars munis d'un long couteau : »give the bag, give the bag !  ». Sans entrer dans le détail, disons que l'heure (midi), les cris proprement terrifiants de Liliane (de nature à rameuter la foule), le manque évident de professionnalisme des agresseurs (dans l'espèce de jeu de tire à la corde dont le « bag » était l'enjeu, le détenteur du couteau s'était laissé mettre à une distance où il n'était plus directement menaçant) ont fait hésiter à appliquer la consigne (surtout coopérer, tout donner, ne pas résister). L'hésitation durait encore quand, sous la menace de la foule, les agresseurs ont pris la fuite gratifiés, en prime, d'une bordée de coups de pieds au cul.
Nous avons eu la chance d'avoir affaire à des apprentis dans le métier – la leçon est gratuite- à nous de veiller à n'en pas rencontrer de plus expérimentés.


Ici même "god" s'abrite derrière des grilles et envisage une "armed response"

Et voilà, pendant que Kendalc'h nous attend bien à l'abri (espérons nous) dans le port de Durban, nous bénéficions, jusqu'au début du mois de janvier du temps magnifique de la baie d'Audierne pendant les « mois noirs ».